Jeu de robes et accessoires pour poupées de papier à découper,
c.1866. Lithographies. Collection particulière.

Séminaire en ligne organisé par Marine Kisiel (InVisu/INHA)

20 janvier – 16 juin 2022

Nombreux sont les gestes attachés à la manipulation physique des images. Dessinant un faisceau de procédés, d’usages et de valeurs, ils font l’objet de ce séminaire. Dédié à l’exploration des opérations matérielles que suscitent les pratiques quotidiennes ou exceptionnelles, populaires ou savantes des images, de leur fabrication à leur manipulation, leur association, leur altération, etc., ainsi qu’à l’analyse de ce que de telles pratiques indiquent du rôle des images comme de la valeur qui leur fut conférée, ce cycle explorera les formes les plus extrêmes de l’appropriation des images―de celles que l’on ingère à celles que l’on détruit―avant de s’intéresser, à rebours, aux images qui protègent et aux manières de les protéger.

Succédant à une première série d’interventions centrée autour de la notion d’appropriation, le séminaire se prolongera jusqu’en juin 2022. Centré autour d’un long XIXe siècle, il ne s’y limitera néanmoins pas, et s’ouvrira à des champs variés, du tatouage à l’ingestion des images, en passant par la manipulation de caricatures et les modalités de l’iconoclasme.

Un site internet accompagne le séminaire : https://gestesdimages.inha.fr/ Rassemblant résumé des interventions et biographies des intervenants, replay des séances et bibliographies détaillées, de même qu’un faisceau d’images, de vidéos et de liens vers des sources et ressources en lignes, ce site en perpétuelle évolution se présente comme le reflet des travaux du séminaire et comme le lieu de ses prolongements.

Séminaire de 7 séances en ligne, les jeudis à 14h à 16h30
sauf séance du 31 mars (10h-12h30)

> télécharger le pogramme PDF

> le site compagnon
> en vidéo : séances et focus documentaires
> Gestes d’images 2021

informations pratiques

Séminaires en ligne
les jeudis de 14h à 16h30 *

  • 20 janvier 2022 Piqueter, broder
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  • 3 février 2022 Moquer, déchirer
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  • 10 mars 2022 Vandaliser, émanciper
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  • 31 mars Tatouer, incorporer
    * 10h à 12h30 *
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  • 21 avril 2022 Absorber, manger
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  • 12 mai 2022 Éloigner, encadrer
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  • 2 juin 2022 Porter, protéger
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20 janvier : Piqueter, broder

 

L’objet comme archive du geste : images, textes, textiles et savoirs incarnés
Ariane Fennetaux, Université de Paris

On s’intéressera à une série de robes de chambre en indienne réalisées sur la côte de Coromandel vers 1700 pour le marché européen. Au nombre de quatre, elles ont la particularité de tirer leur inspiration d’un motif japonais traditionnel appelé shôchikubai. À partir d’une lecture rapprochée de ces pièces aujourd’hui dispersées dans plusieurs collections textiles de par le monde, il s’agira de comprendre l’histoire du motif et de sa circulation depuis le Japon jusqu’à l’Inde en passant par l’Europe.
Par-delà l’étude du motif lui-même, on entend faire des objets des archives du geste des artisans les ayant réalisés. C’est à partir de la lecture des traces matérielles portées par les objets que l’on peut comprendre non seulement les chaînes opératoires de la production de ces objets mais aussi les processus d’appropriation qu’ils révèlent. Dès lors, se trouve battue en brèche la vision souvent européo-centrée qui préside parfois à la compréhension des biens textiles importés par les compagnies des Indes orientales. En donnant la parole aux gestes des artisans, ce sont aussi les savoirs incarnés et leurs enjeux politiques qui sont mis en avant.

#1

  • Robe de chambre, c. 1700, coton teint et peint en Inde. Fries Museum, Leeuwarden inv. T.2016-038.
  • Anna Magdelena Braun, Trachtenbuch, 1773, watercolour and silk on paper, Germanishes Nationalmuseum.

Fabrique, sens et matérialité de l’estampe habillée en Europe, 1750-1820
Serena Dyer, De Montfort University

Désignées alternativement comme « estampes ornées », « estampes modifiées » et « estampes décorées », les estampes habillées furent produites en découpant et en ôtant des portions d’estampes, avant qu’y soient attachés, au revers, des morceaux de textile. Collés ensemble, le tissu et l’estampe s’y disputent la primauté de l’un sur l’autre, et font fusionner le travail de composition de l’artiste ou du graveur avec la texture et la couleur amenés par « l’habilleur ». Cette présentation explorera comment une telle transformation symbiotique du papier et du textile, de l’estampe et du vêtement relève d’une pratique artisanale mêlant à la familiarité du procédé le langage visuel de l’estampe et les règles et coutumes de la mode.

The Making, Meaning and Materiality of the Dressed Print in Europe, 1750-1820

Variably referred to as « adorned prints, » « modified prints » and « decorated prints, » dressed prints were the product of cutting out and removing portions of purchased engravings, before attaching pieces of fabric to the reverse. Pasted together, fabric and print jostle for primacy within each dressed image, and merge the compositional work of the artist, engraver or etcher with the texture and colour injected by the dresser. This paper explores how this symbiotic transfiguration of paper and textile, print and garment functioned as a craft practice which bridged familiarity with the visual language of print and the sartorial rules and customs of dress.

3 février : Moquer, déchirer

Les lieux du rire : la caricature de Salon dans les maquettes, albums et collections
Julia Langbein
, Trinity College, Dublin

Cette intervention portera sur une série de documents d’archives qui renseignent sur la manière dont la caricature de Salon, dans la culture de l’illustration, en France, entre 1840 et 1880, a non seulement été un genre dans la presse, mais encore un lieu du collectif, en tant qu’activité interactive rassemblant auteurs et consommateurs. Ces documents — une maquette préparatoire à une publication, un album amateur inédit et un album factice — indiquent combien la caricature de Salon, longtemps considérée seulement comme un instrument de dérision ou de désacralisation, s’est en réalité trouvée activée par la main du regardeur, invité par l’image à une certaine pédagogie du dessin, de même qu’à mettre en place des expositions personnelles imaginaires. Ce que ces documents nous apprennent, dépassant l’horizon de la caricature de Salon, encourage à mieux prendre en compte la matérialité et le potentiel narratif de l’imagerie du milieu du XIXe siècle.

The Places of Laughter: Salon Caricature in Proofs, Albums, and Collections

This paper explores several archival documents that give insight into how the caricature of Salon art in French print culture between 1840 and 1880 was not merely a press genre but could be a collective, interactive activity for its makers and consumers alike.  These examples, including maquettes produced for publication, an unpublished amateur album and a loose scrapbook, indicate that Salon caricature —long considered along the lines of derision or desacralisation— in fact activated the hand of the viewer, acted out a pedagogy of drawing, and even encouraged the imaginary re-staging (we would now saw curating) of one’s own exhibition.   I argue that the insights to be gleaned from this study extend beyond Salon caricature, and in fact ask us to consider the materiality and interactive potential of mid-nineteenth-century press imagery at large.

#2

  • Nadar, Darjou et al. Maquette pour Le Journal amusant, 1859.  Lithographie, crayon graphite, encre et aquarelle, 43,6 x 27,9 cm. Paris, Petit Palais.
  • Charles Lansiaux, Rue Saint-Jacques. Affiches, 1918. Photographie. Paris, Bibliothèque Historique de la Ville de Paris.

« Cette maladie de peau des villes mal tenues » : papiers collés, couches superficielles et peaux malades
Kathleen Pierce
, Smith College 

Dans son commentaire de 1896 sur l’émergence de l’affiche illustrée de grand format, l’historien de l’estampe Henri Béraldi s’inquiétait en ces mots : « …si la surveillance de l’autorité faiblit un instant, vos yeux ne quitteront plus l’estampe, car tous les murs seront en un clin d’œil envahis par l’affiche, cette maladie de peau des villes mal tenues. » L’assertion de Béraldi évoque plusieurs anxiétés mêlées, liées au mur recouvert d’affiches qui apparaît tout à la fois comme le lieu d’un infatigable collage de papier, comme un accrochage toujours renouvelé et comme une sorte de corps dont les couches de papiers collés formeraient une peau malade. À la suite de Béraldi, cette intervention s’intéressera au mur recouvert d’affiches à l’aune de la notion de collage éphémère. Elle visera à mettre à jour des modes de pensée de la visualité et de la surface partagées par les domaines de la production artistique, de la médecine et de la santé publique.

« This Skin Disease of Poorly Maintained Cities: » Pasted Paper, Surface Layers, and Pathological Skin

In his 1896 commentary on the rise of the large-format, illustrated poster, the print historian Henri Béraldi fretted: « …if the surveillance of authorities wanes for an instant, your eyes will never again leave the print, in the blink of an eye all the walls will be invaded by posters, this skin disease of poorly maintained cities. » Béraldi’s statement evokes several intertwined anxieties about the poster-strewn wall, which simultaneously operates as a site of unflagging paper pasting, an inescapable and ever-shifting visual display, and a kind of body, wherein layers of pasted paper comprise a pathological skin. Following Béraldi, this paper positions the poster-pasted city wall as a mode of ephemeral collage production. In so doing, it demonstrates shared modes of thinking about visuality and the surface across artistic production, medicine, and public health.

10 mars : Vandaliser, émanciper

Iconoclasme et politique après la Révolution française : gestes d’altération des images (1814-1871)
Emmanuel Fureix, Université Paris-Est Créteil

Entre la Restauration et la Commune de Paris, détruire ou altérer les signes de l’adversaire devient le lot commun de la politique. Mais le spectre du vandalisme révolutionnaire impose une certaine retenue aux gestes, et les compromis (voilement, déplacement, etc.) ou les destructions chirurgicales s’imposent très souvent. La pluralité des gestes d’altération (autodafé, profanation, déboulonnage, martelage, recouvrement, détournement, bricolage, etc.) reflète une hésitation sur l’agentivité politique des images dans l’espace public.  Cette présentation propose un inventaire et une grammaire politique des gestes d’iconoclasme ou « d’iconoclash » dans la France du XIXe siècle, qui pourra à certains égards résonner avec notre présent.

#3

  • Marcel Léautté, Photographies d’après nature sous la Commune de Paris, du 18 mars au 21 mai 1871, positif sur papier albuminé d’après négatif sur verre au collodion. Paris, BnF.
  • Jeremiah Theus, Gabriel Manigault, 1757. Photographie aux rayons X, c.1920-1930. New York, Metropolitan Museum of Art.

Lacérer des tableaux, saisir sa liberté : l’iconoclasme des personnes réduites en esclavage du Sud des États-Unis
Jennifer Van Horn, University of Delaware

Durant la guerre de Sécession américaine (1861-1865), des centaines d’Africains-Américains récemment émancipés se livrèrent à des actes d’iconoclasme envers les images de ceux et des ancêtres de ceux qui les avaient réduits en esclavage. Quand certains iconoclastes noirs détruisirent entièrement des portraits peints, d’autres en altérèrent en les grattant, les déchirant ou les recouvrant, avant de les exposer dans leurs propres intérieurs. À la fin de la guerre, des planteurs blancs de retour négocièrent avec leurs anciens esclaves pour réinsérer ces tableaux dans leur propre chemin mémoriel. Un tel traumatisme encouragea les populations du Sud des États-Unis, Blancs et Noirs, à manipuler des tableaux peints. Ces portraits historiques offrirent dès lors de puissants champs d’exploration visuels et matériels à travers desquels chercher réparation.

Slashing Canvases, Seizing Freedom: Enslaved People’s Iconoclasm in the American South

During the American Civil War (1861-1865) hundreds of newly emancipated African Americans committed iconoclasm against images of their enslavers and their enslavers’ ancestors. Black iconoclasts destroyed some painted portraits outright, others they altered by scratching, tearing, or covering, and then displayed them in their own houses. At the war’s conclusion, returning white planters bargained with their former slaves to recover these canvases for their own memory making. Trauma encouraged southerners, white and Black, to manipulate painted canvases. Historical portraits thus offered powerful visual and material fields through which to seek restitution.

31 mars : Tatouer, incorporer

séance exceptionnellement programmée de 10h à 12h30

Du tatouage: autour de l’exposition « British Art Tattoo Revealed »
Matt Lodder, University of Essex

Dans son intervention, Matt Lodder reviendra sur l’exposition dont il a récemment été le commissaire, « Tattoo : British Tattoo Art Revealed », en s’intéressant particulièrement aux relations complexes entre l’image tatouée, le corps humain et le musée. Rassemblant photographies, dessins, peintures, estampes, sculptures et instruments de tatoueurs, et plusieurs peaux humaines tatouées qui ont été préservées, l’exposition interrogeait par l’image l’histoire du tatouage britannique et son absence des collections patrimoniales institutionnelles. L’exposition défendait l’idée que l’histoire du tatouage, sans doute la plus intime des formes d’art, permet de déplier, lorsqu’on le comprend comme une pratique gestuelle de fabrication d’images, une histoire de l’art et une histoire culturelle plus larges, regardant vers les questions de classes, de genres, mais aussi vers l’empire, l’anxiété, le nationalisme, la politique, la religion, etc.

Tattoo: British Tattoo Art Revealed

In this presentation, Matt will discuss his recent exhibition « Tattoo: British Tattoo Art Revealed, » with a particular focus on the complex inter-relationships between the tattooed image, the human body, and the museum. Spanning 400 years from the 17th century to the present day, through curatorial engagement with objects including photographs; drawings; paintings; prints; commissioned sculpture; tattoo tools; and several pieces of preserved human skin, the exhibition interrogated the image history of British tattooing and its absences from institutional collections.  As the most intimate of all art forms, the exhibition argues that when understood as a gestural, image-making practice, the history of tattooing becomes a proxy through which broader art and cultural histories of Britain can be read, with insights into class, gender, empire, anxiety, nationalism, politics, religion and more.

#4

  • The ‘100 Hands’, cent bras en silicone tatoués par cent des principaux tatoueurs du Royaume-Uni. Pièce créée sous la houlette d’Alice Snape, présentée dans le cadre de l’exposition itinérante Tattoo: British Tattoo Art Revealed (2017-), commissaire Matt Lodder.
  • Séance de tatouage féminin (tatoueur : Peni Tuifa’asisina), Point Chevalier, Nouvelle Zélande, 2007. Photographie Sébastien Galliot.

Frapper des images. Geste rituel, technique et figuration en Océanie
Sébastien Galliot, CNRS

La technique de tatouage par percussion perpendiculaire posée avec percuteur, dite « au peigne », est présente dans toute l’aire linguistique austronésienne comprise entre Bornéo et l’île de Pâques. Son apprentissage est extrêmement difficile en raison des postures de travail et des gestes qu’elle nécessite, mais également car les praticiens contemporains posent un certain nombre de conditions à la divulgation de leurs secrets professionnels. Par ailleurs, cette technique est au service de compositions graphiques très diversifiées qui rendent parfois vaine toute tentative de décryptage et de compréhension éventuelle d’un objectif commun. Plutôt que de montrer comment la diversité culturelle austronésienne s’exprime dans l’iconographie vernaculaire, et si l’on admet que le geste et les chaînes opératoires de l’art ont un rôle à jouer dans la réception d’une œuvre, nous nous appuierons sur le tatouage austronésien pour susciter une réflexion sur le statut ontologique des images tatouées.

21 avril : Absorber, manger

Se repaître d’images
Jérémie Koering, université de Fribourg

Nous avons pour habitude de penser les images à l’aune de leur visibilité, et il y a bien sûr de bonnes raisons à le faire. Mais que se passe-t-il quand l’image, par sa matérialité et ses fonctions sociales, en appelle à d’autres sens ? Qu’advient-il quand la vue cède le pas au toucher ou au goût, et que l’artéfact figuré n’est plus seulement contemplé, mais bu, mangé, ingéré ? Pour répondre à ces questions, nous confronterons le rituel eucharistique — lequel repose sur la mise en partage d’une hostie estampée pour instituer la communauté — à divers rituels profanes mettant en jeu des images comestibles (gaufres héraldiques, pain d’épices figuratifs, mets sculptés…).

#5

  • André Gill, « La Foire au pain d’épice », L’Eclipse, 7 mai 1876. Paris (France), BnF.
  • Bol « magico-médicinal » islamique, in Jacques Martin, Explication des divers monuments singuliers qui ont rapport à la religion des plus anciens peuples, Paris, 1739, pl. XII.

Absorber l’image, goûter le texte: les bols « magico-médicinaux » islamiques en contexte
Finbarr Barry Flood, New York University

Quoi qu’elle soit parfois contestée, l’ingestion des images, textes et matières efficaces appartient à un ensemble de pratiques prophylactiques établies de longue date dans le monde islamique. En font partie l’absorption de textes sacrés au moyen d’encres apposées sur la surface de bols en céramique, puis trempées avec certains liquides. Autour du sixième siècle de l’Hégire (le XIIe siècle e.c.), la production de bols métalliques gravés d’images, de textes et de signes efficaces destinés à être utilisés contre de divers aliments atteste d’une intensification de marchandisation associés avec des traditions plus éphémères d’iconophagies et de logophagies. Ces bols métalliques, qui purent être utilisés et réutilisés par divers utilisateurs, constituent une sorte d’assemblage de technologies prophylactiques distinctes, mis à disposition pour une utilisation pratique. Unifiant des modes de consommation haptique, verbal et visuel, ces bols posent la question de l’incarnation, de l’incorporation et de la médiation particulièrement liées au thème de la présente séance.

Imbibing the Image, Tasting the Text: Islamic « Magic-Medicinal » Bowls in Context

Although sometimes contested, the ingestion of images, texts and efficacious matter is among a range of prophylactic practices long established in the Islamic world. These include the imbibing of sacred text through the medium of ink inscribed on ceramic bowls and then washed with liquids. Around the sixth century Hijri (twelfth century CE), the production of metal bowls engraved with images, texts and efficacious signs for use against a wide range of ailments attests to an intensification and commodification of these more ephemeral traditions of iconophagy and logophagy. The metal bowls, which could be used and reused by different consumers, are assemblages of distinct efficacious technologies, rendered up for practical use in the space of the vessel. Uniting haptic, verbal and visual modes of consumption, the bowls raise questions of efficacy, embodiment, and mediation of particular relevance to the theme « Absorber, manger ».

12 mai : Éloigner, encadrer

L’utile et l’agréable. La mode des écrans à main aux XVIIIe et XIXe siècles
Georgina Letourmy-Bordier

Objets modestes de la vie quotidienne, l’écran à main fait l’objet d’un usage important au XVIIIe siècle. Composé de carton et d’un manche en bois tourné, il est orné d’un décor peint, de gravures découpées ou spécifiquement composées. Destiné à protéger le visage de l’ardeur du foyer, apprécié aussi bien des hommes que des femmes, il est posé et repris sans cesse en main. Ces décors alimentent la conversation et divertissent. Voués à être renouvelés régulièrement, fragiles, et parfois jetés aux flammes, les écrans à main sont malmenés. Peu nombreux sont les exemples qui nous sont parvenus. Nous évoquerons leur fabrication, leur diffusion et leurs usages : autant de gestes qui témoignent du raffinement de l’objet et des aléas de sa vie éphémère.

#6

  • Écran à main Le Lion s’en allant en guerre. Carton, gravure, gouache, manche en bois tourné, seconde moitié du XVIIIe siècle. New York (USA), Cooper-Hewitt Museum, inv. 1927-17-5.
  • Armand Point, Les Rois mages, 1899. Tempera sur bois, 100 x 121 cm. Coll. part.

Encadrer pour isoler ? Cadres d’artistes symbolistes
Louise Delbarre, COARC, Ville de Paris

Au XIXe siècle, le cadre est de plus en plus utilisé par les peintres symbolistes comme un acteur à part entière du fonctionnement de leurs tableaux, indissociable de l’image qu’il entoure. Empreintes d’idéalisme, les œuvres symbolistes ont pour particularité d’affirmer une distance, voire un retrait ou un refus vis-à-vis du monde extérieur. À travers une étude des choix d’encadrement d’artistes tels que Gustave Moreau, Armand Point ou Edgard Maxence, nous nous intéresserons à leur désir de séparer, d’isoler leurs peintures de leur environnement, ainsi qu’aux paradoxes de cette position à la fin du XIXe siècle où le tableau devient un meuble comme les autres, et où la circulation des images – et des images de peintures – s’intensifie.

2 juin : Porter, protéger

Images de crise : les Suaires du Christ contre la Peste au XVIe siècle
Nicolas Sarzeaud, EHESS

Au cours du XVIe siècle, les récurrences de la Peste se multiplient. On s’en remet alors à un type d’image particulier, les saints Suaires, linges réputés avoir servi à l’ensevelissement du Christ et portant son image, qui essaiment en particulier le long de l’axe Flandres-Alpes, suite au succès des deux exemplaires de Chambéry et de Besançon. Les institutions politiques sont à la manœuvre, demandant l’intercession du corps saint pour venir à bout du mal qui frappe le corps social. Les sociétés de cette espace géographique sont alors en proie à une autre crise, la Réforme, contre laquelle les Suaires sont là aussi utilisés comme des armes : ils apparaissent bien comme des images de crise.

#7

  • Ostension du Suaire de Chambéry, Livre d’heures de Christopher Dutch, suppléments peints en 1559, Turin, Biblioteca Reale, Varia 84, f. 3r.
  • Enfant Jésus de l’église de Tacuba à Mexico, vêtu en footballeur lors de la Coupe du Monde de 2018. Le papier collé sur la vitrine par un supporter lui demande la victoire du Mexique contre l’Allemagne 4 à 1. Photo : Caroline Perrée. 

Vénérer, habiller, créer. Le marché de l’habillement de l’Enfant Jésus à Mexico
Caroline Perrée, Université de Paris

Au Mexique, l’habillement des statues catholiques est passé du sanctuaire au foyer domestique au cours du XXe siècle. Le clergé a longtemps contrôlé ce rituel mais une fois introduites et vendues dans l’espace public, les répliques des statues donnent lieu à des appropriations, qui enrichissent l’iconographie des figures divines. Le marché de l’Enfant Jésus à Mexico est particulièrement représentatif de ces dynamiques d’habillement, qui participent au pouvoir attribué à la statue, tout en générant la création d’images-objets dévotionnelles à l’origine de phénomènes esthétiques, qui renouvellent les pratiques cultuelles.

       

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