Traversée du pont à Pera, Istanbul, le 21 mars 1891. Photographie prise lors du voyage à bicyclette de William Sachtleben (University of California, Los Angeles. Library Collections)

Séminaire organisé et animé par Manuel Charpy et Ece Zerman (InVisu)

6 séances du 21 novembre 2023 au 5 mars 2024

les mardis de 14h à 17h à l’Institut national d’histoire de l’art, INHA, 2 rue Vivienne, 75002 Paris

Ce séminaire s’intéresse aux rencontres avec les images dans la vie quotidienne : leur matérialité, les usages, actes, pratiques sociales, émotions, appropriations qu’elles suscitent, leur circulation à l’échelle locale comme globale, les rapports de pouvoir que les images génèrent, et le rôle qu’elles jouent dans la création et la consolidation de communautés. L’objectif est de dessiner un panorama global et connecté d’univers visuels tissés d’expériences individuelles et collectives.

 

21 novembre 2023 : Voir ensemble

INHA, Galerie Colbert, salle Giorgio Vasari, 14h-17h

#1

Introduction

Manuel Charpy et Ece Zerman (InVisu, CNRS/INHA)

Ressembler à une image : circulations, poses et appropriations dans la Turquie des années 1920 et 1930

Ece Zerman (InVisu, CNRS/INHA)

À Istanbul, dans les années 1930, un journaliste décrit une jeune femme qui s’arrête devant chacune des images remplissant les murs d’un studio photographique. Pointant du doigt l’un de ces clichés, elle dit : « Prenez-moi en photo comme cela ». Les photographies d’artistes, des stars de cinéma, d’écrivains, des hommes politiques, ou encore les clichés orientalistes circulaient, au début du XXe siècle, notamment grâce aux cartes postales et à la presse illustrée. Cette intervention se focalisera sur ces images dépaysées en discutant la manière dont elles transforment la façon de se représenter et de se faire photographier.

Page cinéma du journal turc Hâkimiyet-i Milliye, 24 septembre 1931.

Réclame pour le film Sixty Glorious Years (Herbert Wilcox, UK, 1938) dans le quotidien thessalonicien en judéo-espagnol Acción, 26 janvier 1940.

 

Qu’est-ce que l’expérience des images cinématographiques ? La rencontre de Thessalonique avec le cinéma parlant​

Mélisande Leventopoulos (université Paris 8 Vincennes-Saint Denis)

Cette communication trouve son origine dans une recherche sur l’exploitation, la distribution et la réception du cinéma à Thessalonique durant le premier XXe siècle, objet du projet « Visual Salonica » inscrit dans le cadre de l’École française d’Athènes. Quelle place occupent les images animées dans l’expérience des images reproductibles à Thessalonique – précédemment ottomane – après son annexion par l’État grec durant les Guerres balkaniques ? Comment penser la circulation des images animées et fixes dans cet espace en cours d’hellénisation ? Comment s’articulent l’expérience locale des images, à l’arrivée du cinéma parlant, et l’histoire globale du spectacle cinématographique ?

12 décembre 2023 : Jeux d’images

INHA, Galerie Colbert, salle Giorgio Vasari, 14h-17h
Cette séance commune avec le séminaire Politisation des objets du quotidien, examinera les phénomènes d’engagement politique (au sens très large du terme) suscités par les images et objets à vocation ludique.

#2

Les jouets à découper dans la presse, supports de modélisation et de négociation

Matthieu Letourneux (université Paris Nanterre)

À la fin du XIXe siècle et au tournant du XXe siècle, la presse pour la jeunesse multiplie dans ses pages les propositions de jeux et jouets à découper. De telles pages apparaissent comme autant d’espaces d’échange avec les lecteurs, lieu d’appropriation du périodique, mais aussi de modélisation, puisqu’en jouant à partir de scénarios prédéfinis, l’enfant fait siennes les valeurs qu’ils véhiculent. En ce sens, on peut voir ces jeux comme des objets politiques, dont nous tenterons de mettre en évidence les logiques, tout en traquant la trace des usages des lecteurs, entre adhésion et appropriation.

Le Petit journal illustré de la jeunesse, 11 octobre 1908.

Jeu des Manifestants, Paris, Mauclair-Dacier, 1893-1900. Mucem, 1992.23.9.1-13.

 

Politique en jeux : jeux de société et représentations de l’actualité politique à la fin du XIXe et au début du XXe siècles

Hélène Valance (InVisu, CNRS/INHA)

Cette communication se penchera sur les jouets et jeux de société créés dans le sillage de l’actualité politique à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Images parfois satiriques et parodiques semblables aux caricatures diffusées par la presse, les jeux proposent une forme d’illustration de l’actualité attirante dans un marché de l’image très riche et compétitif. On s’interrogera sur la spécificité du format ludique, et sur ce que le jeu de société dit des rapports de ses publics au politique.

16 janvier 2024 : Renverser l’objectif

INHA, Galerie Colbert, salle Giorgio Vasari, 14h-17h

#3

Le petit manège photographique de Pierre-aux-Merles. De la carte postale comme fabrique ethnographique du monde alpin

Baptiste Brun (Rennes 2, InVisu, CNRS/INHA)

Paysan sentant le potentiel économique du tourisme dans une vallée de Haute-Savoie, Pierre Moccand, dit Pierre-aux-Merles (1869-1942), devient un véritable entrepreneur au tournant du XXe siècle à Sixt-Fer-à-Cheval. Il bâtit un carrousel animé par le torrent voisin, un musée des « merveilles de la nature » ainsi qu’une cantine avec hébergement. Il s’initie à la photographie et se fait éditeur de cartes postales. Paysages, habitants, us et coutumes s’y révèlent en souvenirs touristiques, fabrique d’un imaginaire qu’il s’agit d’interroger. Par les relations que tisse Moccand avec des ethnographes, une authenticité artificielle se donne à voir, confirmant un horizon d’attente que les touristes espéraient découvrir et éprouver.

Carte postale du musée Moccand, « Aux merveilles de la nature », vers 1905.

Giannis Psaros photographiant son portrait réalisé par Kalantzis. Photographie de Konstantinos Kalantzis, Crète, 2017.

 

Désirs de photographie et revanche des habitants : ethnographie visuelle et imagination politique à Sfakia, Crète

Konstantinos Kalantzis (anthropologue, université de Thessalie, Grèce)

Cette présentation revient sur un travail de terrain ethnographique dans les montagnes de Crète où la photographie et la documentation visuelle ont été utilisées comme moyens de théoriser l’imaginaire politique. La photographie rend visible les rapports de pouvoir ainsi que la relation des individus à l’espace, au passé et à la « tradition ». Explorant son rôle de catalyseur, on observera l’économie visuelle des images et leur repolitisation en tant que décorations, cadeaux, supports de dialogue et objets de contestation. Cette analyse donne à voir touristes et habitants, hôtes et invités, scientifiques et populations locales, États nations et périphéries, mais permet également de brouiller ces frontières. (intervention en anglais)

6 février 2024 : Autour des expositions

INHA, Galerie Colbert, salle Giorgio Vasari, 14h-17h

#4

Une histoire de l’art amateur avec des images ? Le cas des expositions artistiques corporatives

Hadrien Viraben (Le Mans Université)

Qui a travaillé sur l’amateurisme sait que la source en constitue l’un des problèmes essentiels ; et le défi documentaire n’est pas moins grand pour l’historien de l’art amateur, qui aura besoin d’archives, mais aussi d’images. C’est sur cet écueil, d’abord pratique, de l’image, que se penche la présentation de mes recherches sur les expositions d’artistes amateurs (fin XIXe-XXe siècle), et en particulier les groupes dits « corporatifs » (artistes avocats, médecins, etc.). Il s’agira ensuite de montrer les pistes d’analyse dans lesquelles entraînent la découverte des images produites par les amateurs, et la tentative pour reconstituer les attentes dont elles seraient les réponses.

Roger Schall, Vernissage du Salon des médecins, le 2 février 1936, photographie reproduite dans Art et médecine, mars 1936, p. 40.

Université d’Istanbul, Albums de photographies, n° d’inventaire 90527-04.

 

À la recherche d’un salon de peinture à Constantinople : voir les descriptions et lire les images

Seza Sinanlar Uslu (université technique de Yıldız, Istanbul)

Les Salons de Péra organisés à Constantinople au début du XXe siècle étaient fréquemment évoqués dans les journaux de l’époque. Dans le cadre de ce séminaire, nous allons discuter des échos de ces expositions dans les journaux ainsi que des détails pratiques concernant leur organisation. Les publications comportant peu de matériel visuel, il est difficile de connaître les oeuvres exposées uniquement avec les descriptions qu’en font les journaux. En juxtaposant les albums de photographies retrouvés dans les archives ottomanes aux articles détaillés de Régis Delbeuf publiés dans le journal Stamboul, il sera possible
d’identifier les tableaux du Salon de 1902.

 

27 février 2024 : Déjà Vu ?

INHA, Galerie Colbert, salle Walter Benjamin, 14h-17h

#5

Les touristes prennent-ils tous les mêmes photos ? Quelques réflexions sur les images touristiques du pays ottoman

Saadet Özen (directrice de publication aux Éditions Everest (Istanbul), traductrice, guide touristique, doctorante à l’EHESS)

L’industrie touristique semble aller à l’encontre de l’idée de découverte. Elle transformerait le voyage en un objet de consommation, ce que confirmerait l’uniformité et la standardisation des « images touristiques », qui témoigneraient en outre du regard hiérarchique du centre sur la périphérie. Cependant, lorsqu’on les considère sur une longue période, ces déterminations apparaissent moins nettes. Qui produit des images touristiques et dans quel but ? Par quels facteurs sont-elles influencées ? Sont-elles aussi uniformes qu’on le pense ?

Bibliothèque de Celsus, Éphèse. Album de Marcel Jusserand, Souvenirs d’Orient, 1908. BnF, département Estampes et photographie.

Usine de l’entreprise CIM à Crottet, « train » de développement continu pour les cartes postales en bromure, 1973, tirage chromogène, musée Nicéphore Niepce, Chalon sur Saône.

 

Nouvelles du Paradis. Raconter la carte postale de vacances

Marie-Eve Bouillon (chargée de mission photographie, direction des fonds, Archives nationales), Valérie Perlès (directrice du Patrimoine et des expositions, Musée de la Poste)

La carte postale touristique à travers l’image et l’écrit invite à un voyage singulier. Produit de l’industrie, son image fige le souvenir du lieu de vacances – un lieu sublimé et stéréotypé –, auquel s’associent un mot, une pensée. L’exposition présentée au Musée de la Poste en partenariat avec les Archives nationales, dont les intervenantes sont co-commissaires, explore les enjeux artistiques, techniques et commerciaux de ce support de la banalité, devenu objet d’histoire, qui circule, se partage, s’affiche ou se collectionne.

5 mars 2024 : Comment ne pas publier un coffee table book ?

INHA, Galerie Colbert, salle Walter Benjamin, 14h-17h

#6

Anthropologie/exotisme : pourquoi les images sont-elles devenues suspectes ?

Anaïs Mauuarin (Ghent University / Musée d’art et d’histoire de Bruxelles)

Cette intervention questionnera la légitimité des images, et en particulier des « belles images », en anthropologie. Celles-ci sont-elles en mesure de porter un propos scientifique, ou au contraire, font-elles courir le risque d’occulter ce dernier au profit d’un spectacle exotique de l’ailleurs ? Nous explorerons cette question en revenant notamment sur la place généreuse que la discipline a fait aux images dans la première moitié du XXe siècle, à un moment où il n’y avait aucune contradiction pour cette science à se doter de « belles images », attrayantes et susceptibles de sensibiliser et de rallier à elle un large public.

Extrait de Jean-Paul Lebeuf, Du Cameroun au Tchad, Paris: Nathan, 1954 (Terres et Hommes).

 

Table ronde

Avec François Havegeer et Sacha Léopold, créateurs du studio de design graphique Syndicat qui explore de longue date la question du document et de l’archive et éditeurs de la revue Faire, dédiée notamment au graphisme contemporain.

       

INVISU l'Information visuelle et textuelle en histoire de l'art, nouveaux corpus, terrains, outils
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