Collage par Hakkı Sait Tez, Ankara, 1936. SALT Research, Archives de Said Bey, AFMSBDIVH068.

Séminaire organisé et animé par Manuel Charpy et Ece Zerman (InVisu)

6 séances du 22 novembre 2022 au 18 avril 2023

les mardis de 14h à 17h à l’Institut national d’histoire de l’art, INHA, 2 rue Vivienne, 75002 Paris

Ce séminaire s’intéresse à la rencontre avec les images à l’échelle individuelle et au quotidien. Il s’agit de penser les usages et pratiques sociales qui se déploient autour des images, mais aussi les significations qui leur sont attribuées dans des configurations historiques précises, les émotions qu’elles suscitent ainsi que les appropriations dont elles font l’objet.

Ce séminaire vise à penser ces usages et réceptions au moment même où l’image entre dans l’ère industrielle du multiple. On s’intéresse donc à la multitude de supports sur lesquels les images sont reproduites et par lesquels elles prennent vie et circulent, à l’échelle locale comme globale. Les images ne peuvent être tenues dans la limite stricte des représentations : on veut observer également la manière dont elles sont « actives », dont elles transforment la relation au monde, à la politique, à la mémoire, à la famille, et les rôles qu’elles jouent dans la création et la consolidation de communautés d’appartenance.

Il s’agit d’adopter une approche interdisciplinaire au croisement de l’histoire culturelle et sociale, de l’histoire de l’art, de l’anthropologie culturelle et des études sur la culture visuelle et matérielle. Enfin, ce séminaire veut dépasser les perspectives qui envisagent les aires culturelles de manière cloisonnée, pour saisir, à partir de thématiques et de cas d’études précis, la circulation des images et leurs appropriations dans une perspective d’histoire connectée. L’objectif est, en somme, de dessiner un panorama plus polyphonique de l’univers visuel connecté tissé d’expériences individuelles et collectives des images, du XIXe siècle au début du XXIe siècle.

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22 novembre 2022
l’Expérience des images, une introduction

INHA, Galerie Colbert, salle Benjamin, 14h-17h

Introduction du séminaire

Manuel Charpy et Ece Zerman (InVisu, CNRS-INHA)

Les images de l’Empire Ottoman : lecture, sur-lecture, relecture

Edhem Eldem (Université de Boğaziçi, Collège de France)

 Les trois dernières décennies de l’historiographie de l’Empire ottoman ont été fortement marquées par la « découverte » de l’image et de documents visuels comme nouvelles sources d’information et d’interprétation, notamment dans le cadre de l’histoire culturelle, des mentalités et des idées. Cet intérêt tout à fait légitime s’est souvent transformé en véritable engouement, menant à d’inévitables excès de sur-lecture et de surinterprétation du sens, du contexte, de la portée et de la réception de ces images. Il paraît utile aujourd’hui de se pencher à nouveau sur la question et de tenter de dresser un inventaire des principaux problèmes et défis rencontrés tout en proposant une approche méthodologique et théorique plus critique.

#1

Portrait de jeune femme anonyme, après 1901. Collection Edhem Eldem.

6 décembre 2022
Au verso et en légende

INHA, Galerie Colbert, salle Benjamin, 14h-17h

Le verso de la propagande : les cartes postales du mouvement de gymnastique nationaliste des Sokols yougoslaves de l’entre-deux-guerres

Jovana Papovic (EHESS–CETOBaC, INALCO) 

À partir d’un corpus varié, cette communication analyse les cartes postales comme des objets permettant de dévoiler différentes couches de l’expérience d’un mouvement nationaliste. Il s’agit là de mettre en dialogue le discours de la propagande avec les récits d’expéditeurs inconnus. Observés comme un outil de propagande – à travers l’image au recto, ces objets ne semblent dévoiler que ce récit officiel. Considérant aussi le verso, ils deviennent des pièces subjectivées par des messages personnels, dévoilant ainsi une autre dimension de l’expérience : celle de l’échelle individuelle.

#2

Gauche : Carte postale du Rallye régional de gymnastique de Zagreb, juillet 1934. Annotée au dos par « Darinka et Zvonka » et destinée à Savo Djordjević, au départ de Zagreb pour Belgrade, 6 aout 1934.

Droite : Vue de l’album de Gérard, 1919. Archives privées.

Un voyage de noces en 1919 : album photographique, intime et écriture de l’histoire​

Clémentine Vidal-Naquet (Université de Picardie-Jules-Verne)

Le 4 septembre 1919, à Saint-Malo, quelques jours avant sa démobilisation officielle, Gérald – encore en uniforme – s’unit à Berthe. Le jeune couple part le soir même pour sa lune de miel dans les tranchées abandonnées, les villes en ruines, les paysages dévastés du Nord et de la Belgique que Gérald, jeune engagé volontaire en 1914, vient tout juste de quitter. Un album photographique en retrace le parcours, offrant le récit illustré de retrouvailles conjugales banales qui n’eurent pourtant rien d’ordinaire. Que dit-il de l’inscription de la guerre dans la sphère intime ?

10 janvier 2023
Exposer, publier, éditer des images « sensibles »

INHA, Galerie Colbert, salle Vasari, 14h-17h

Images du cadavre des mutins, Attica, NY., Septembre 1971

Philippe Artières (IRIS/CNRS-EHESS)

Le soulèvement de plus d’un millier de détenus du pénitencier d’Attica dans l’Etat de New York en septembre 1971 constitue un événement important dans l’histoire de la visibilité de la résistance des prisonniers au système carcéral. Les mutins occupèrent durant trois jours une des cours de l’établissement sous l’œil de journalistes et de caméras, rédigeant des revendications et s’entretenant avec une commission d’observateurs. Plusieurs journalistes télévisés avec leurs équipes furent invités dès le premier jour à documenter la lutte des insurgés. Attica fut ainsi un événement d’insurrection, observé du dedans par une pluralité de regards. Il s’agira de discuter les photographies qui suivent, celles de l’assaut de la prison insurgée d’Attica, le 13 septembre 1971.

#3

Gauche : Vue du livre Philippe Artières, Attica, USA, 1971, Éditeur Le Point du Jour, 2017 © Photographie Philippe Artières.

Droite : Vue de l’exposition « Exotic? Regarder l’ailleurs en Suisse au siècle des Lumières », commissariat Noémie Etienne et Claire Brizon © Lionel Henriot.

Montrer, exposer, cacher. Que faire des images qui blessent ?

Noémie Etienne (Université de Berne)

Peut-on montrer des images liées à la colonialité sans en répéter la violence ? Comment re-présenter, sans réactiver le trauma ? Je partagerais des exemples liés à mes recherches sur les dioramas anthropologiques et l’histoire coloniale suisse. En tant qu’historienne de l’art, comme enseignante, et parfois commissaire d’exposition, je reconnais l’importance de montrer mais aussi les difficultés qui y sont liées.

7 février 2023
Se projeter sur l’écran

Séance reportée au jeudi 11 mai 2023

INHA, Galerie Colbert, salle Vasari, 14h-17h

La circulation des images cinématographiques dans la Thessalonique postottomane en voie d’hellénisation : interactions collectives et constructions individuelles à l’arrivée du cinéma parlant

Mélisande Leventopoulos (Université Paris 8)

Cette intervention questionnera les fonctions sociales et culturelles du cinéma dans la ville de Thessalonique qui, ottomane jusqu’en 1912, a été conquise par la Grèce durant les Guerres balkaniques. En appréhendant la circulation des images cinématographiques dans un contexte d’hellénisation progressive mais inachevée durant les années 1930, il s’agira ici d’examiner les modalités du voir ensemble et d’interroger l’hypothèse d’une rupture dans la culture visuelle urbaine.

#4

Gauche : Réclame pour le film Sixty Glorious Years (Herbert Wilcox, Grande Bretagne, 1938) dans le quotidien thessalonicien en judéo-espagnol Acción, 26 janvier 1940.

Droite : Jean Depara, L’Apollon, série Day in Kinshasa, 1955-1965. © Jean Depara/Revue Noire.

Le corps à double tranchant :  ​Westerns et masculinité chez les Bills de Kinshasa

Didier Gondola (Johns Hopkins University)

Cette intervention s’intéresse à l’iconographie que véhiculent les films western, notamment dans le positionnement et la hiérarchisation des genres. Comme le montre la photographie du Congolais Jean Depara, les contrastes sont nombreux entre le « Bill » (Buffalo Bill est leur héros éponyme), incarnation d’une masculinité moderne et équivoque, et les jeunes filles cantonnées dans le régime immuable de la tradition. Les producteurs de ces images avaient à l’évidence le cinéma et sa culture masculine à l’esprit en prenant cette photographie. Il s’agira de discuter cette fascination pour les films de cow boy et le rôle qu’ils ont joué dans la construction de la masculinité et l’évolution politique du Congo.

21 mars 2023
« Voler l’âme » : mythes et mauvaises rencontres

INHA, Galerie Colbert, salle Benjamin, 14h-17h

« Voler l’âme » ? Les expériences « indigènes » de la photographie en Afrique centrale

Manuel Charpy (InVisu, CNRS-INHA)

Les récits de voyages en Afrique subsaharienne et en Amérique latine au XIXe siècle sont émaillés de scènes de « sauvages » sidérés par la magie de la photographie ou fuyant devant la photographie regardée comme « volant les âmes ». L’anthropologue James George Frazer y voit un motif récurrent et le signe d’un rapport à l’image dans son inventaire des mythes à travers le monde. Or, cette seconde partie du XIXe siècle est aussi le moment d’une diffusion planétaire de la technique photographique et de son appropriation par les populations locales. En regardant de plus près les pratiques photographiques et les usages par les Européens se dessine une réaction des populations avant tout politique. Et si la photographie menaçait réellement de voler les âmes des populations visitées et bientôt colonisées ?

#5

Gauche : Chromolithographie publicitaire « Une aventure au Congo. 6° Enthousiamé, le roi lui fait grâce », années 1880-1890. Collection Manuel Charpy.

Droite : Photographie de Black Elk en 1931 utilisée dans le livre de John G. Neihardt, Black Elk Speaks, publié en 1932.

Photograpier l’homme-médecine – quelques cas sioux

Thomas Grillot (CNRS, EHESS-CENA)

La captation d’images de cérémonies religieuses est souvent tenue pour l’exemple même de l’« appropriation culturelle » – du vol, en somme. Le dossier des photographies des hommes médecine-sioux suggère surtout d’y voir la trace d’un ensemble de transactions financières, intellectuelles, théologiques, iconographiques dont le rôle a été décisif dans la sédimentation de notions de « religion indienne » et de « spiritualité indigène ».

18 avril 2023
Devant et derrière l’appareil

INHA, Galerie Colbert, salle Benjamin, 14h-17h

Photography as Technomaterial Performance : Late Ottoman Perceptions of Photography

Ahmet Ersoy (Université de Boğaziçi)

The seminar offers critical, intersectional insights into the body of Ottoman literature on photography published both in Ottoman Turkish and in western Armenian from the 1840s into the early twentieth century. I investigate the articulation and transmission of photographic knowledge in the Ottoman domain in the context of a diverse body of local writings on photography (from technical manuals and serialized essays on photographic history, theory, and practice to journal articles drawing together news items, opinion, chatter, reader’s letters, and photographs). This extensive study of sources is aimed to bring local discourses on photography, the richly textured domain of popular conversation and debate, to the center of analysis, and trace out the nature and meaning of the experience of photography in the eyes of its Ottoman users at a point when the medium became a feature of everyday life.

#6

Gauche : Couverture Garabed Paparyan, Արուեստ Լուսանկարչութեան, [Art of Photography], Istanbul, 1893.

Droite : Illustration de Hasan Hüsnü, Fotoğrafçılık [Photography], Istanbul, 1888-91, manuscript–Yıldız Palace Library.

 

       

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